L’élevage des mules au XXIe siècle
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Synthèse complète – Élevage, commerce et relations
des mules en France et dans le monde

1. Étude et observation
Étudiante en 3e année de thèse de sociologie je travaille sur les relations
d’engagement entre éleveurs, éleveuses et équidés de travail.
Aux Écuries d’Oz (Erika Pons), j’ai observé le cycle reproductif complet des
mules, les soins aux nouveau-nés, ainsi que la dynamique de l’offre et de la
demande.
Entretiens avec éleveurs et participation à fêtes et salons pour observer les mules
en démonstration.
La littérature scientifique sur les mules est limitée, mais certaines sources clés
existent : travaux historiques et ethnologiques, revues spécialisées, thèses sur la
traction animale et sources non scientifiques (Brèves de Mules, American Mule
Museum).

2. Opacité et limites des données (SIRE et Stats et Cartes)
Les filtres sont incomplets et confus : confusion entre mules avec et sans livre
génétique, manque de précision sur l’âge et le statut vital.
Les mules sont classées avec les ânes, ce qui mélange espèce, usage et type,
limitant la pertinence statistique.
Stats et Cartes :: 53 élevages en 2023 (majorité inf. à 3 naissances), oscillations de –12
à +16 entre 2016 et 2023, suggérant que ce sont surtout les mêmes élevages, mais
pas toujours actifs chaque année.
Conséquence : visibilité limitée des effectifs, nuisant à la recherche et à la prise de
décision.
3. Tendances de naissances
Pic de naissances autour de 2010 (~500), chute dès 2011 (~300), puis stabilisation
inf. à 200.
Depuis 2020, légère progression des mules OC, liée à l’émergence d’élevages
hors berceaux traditionnels, notamment orientés vers la mule de selle.
4. Importations, exportations et prix
Importations :
- Selon SIRE : en France, il y a 155 mulets nés entre 1992 et 2024 à
l’étranger (109 en Espagne, 13 en Italie, 11 en Belgique, 7 en Suisse, 6
aux Pays-Bas, 3 au Portugal, 2 en Allemagne, 2 aux USA, 1 en Irlande, 1
en République Tchèque). On ne connaît pas leur date d’importation.
- Selon Stats et Cartes : seuls 5 mulets sont renseignés importés entre
2023 et 2000 (2021 1, 2020 1, 2019 1, 2015 2) mais les pays
d'importations ne sont pas renseignés.
Exportations : suivies par la base TRACES (données non encore accessibles).
Prix :
○ Sevrage : 2 500‑4 000 € selon la race.
○ Débourrées : 4 000‑6 000 €.
○ Au travail : jusqu’à 10 000 €.
○ Mules de couleur OC vendues plus cher dès le sevrage, parfois 8 000 € à 6
mois.
○ Les prix ont globalement augmenté ces 10 dernières années, notamment
pour les mules de loisir et de couleur.

5. Constantes et évolutions de l’élevage et de la reproduction
L’hybridation entre ânes et juments a longtemps été ritualisée, parfois complexe et
secrète.
Aujourd’hui, les pratiques sont modernisées : insémination artificielle, mannequins
ou ânesses pour stimuler le baudet, recherche sur l’érythrolyse néonatale.
La mule reste un investissement économique, avec une demande croissante et
des prix en hausse.
Les mules conservent leurs qualités historiques : endurance, longévité, force,
intelligence et humour.
Nouveaux usages : randonnée, mountain trail, travail à pied, bât et traction avec
matériel modernisé, adaptées à la néo-ruralité et aux loisirs.
6. Relation humain‑mule
Constantes : l’éducation du muleton se fait par la jument,
l’humain et des animaux
expérimentés, avec le principe que “c’est le mulet qui apprend au maître”.
Évolutions : relations plus douces et éthologiques, mettant en avant la sensibilité et
l’intelligence des mules, contrairement aux pratiques anciennes basées sur la force
ou la contrainte.
Les mules sont aujourd’hui valorisées et intégrées dans la famille et le travail, avec
des pratiques d’élevage et d’éducation plus respectueuses et cohérentes.

7. Situation mondiale
Selon le Donkey Sanctuary, la population mondiale de mules diminue de 2 % par
an depuis 1997, avec des hausses en Afrique sub-saharienne et des baisses en
Europe de l’Est, liées au développement économique.
Conclusion
Les mules restent un élément essentiel de la filière équine, mais leur suivi
statistique est insuffisant et fragmentaire.
L’élevage est resté relativement stable mais s’adapte à de nouveaux usages et
marchés.
Les relations humain‑mule évoluent vers plus de respect et d’éthologie, tout en
conservant les qualités traditionnelles recherchées.
Malgré le manque de données précises, la mule connaît un renouveau d’intérêt,
notamment pour le loisir et les projets de mule de selle, avec des prix et une
demande en hausse.
Résumé :
L’élevage des mules au XXIe siècle s’inscrit dans le prolongement et l’héritage de la
mulasserie des siècles passés tout en intégrant de nouvelles évolutions. Si, en
substance, le métier d’éleveur n’a pas changé - il s’agit toujours de fabriquer un
animal qui répond à une demande en lien avec un terroir, une activité humaine et
des critères esthétiques - un nouveau public a toutefois émergé et avec lui, de
nouvelles demandes. Néanmoins, l’opacité des chiffres rend cet élevage difficilement saisissable et marque bien la marginalisation de la mulasserie, décidément toujours empreinte de mystères..
Angèle Dequesne, doctorante en sociologie, CEMS/EHESS ; présidente de Cheval&Sciences Humaines et Sociales.




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