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Jean Poitevin et Mario

  • Photo du rédacteur: Mules Qui peut
    Mules Qui peut
  • 5 nov.
  • 4 min de lecture

Une vie de complicité


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La marche vers Compostelle était difficile et le poids du sac à dos écrasait ma clavicule accidentée.

-Il me faudrait bien un âne comme porteur !

En revenant vers mes pénates je m’arrêtais à Viennay près de Parthenay chez mon ami Yves, grand spécialiste des traits poitevins et ami de Thierry actuel président de l’association nationale des races mulassières du Poitou . " Mais Jean !, ce n’est pas un âne qu’il te faut, mais bien un mulet, et avec un nom comme le tien, c’est évidemment un mulet poitevin."

Je n’avais jamais rencontré de mulet et n’avais aucune idée de ce que serait ma vie muletière .

-On verra, on verra , dis-je.


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Absorbé par ma passion professionnelle, j’oubliais cette proposition quand deux ans plus tard , en avril 2000 :- "Ton mulet est né, tu peux venir le voir et tu choisiras si tu le prends ou pas." Après quelques visites au muleton , on peut dire que c’est lui qui m’a pris, de Mustang la Richardière, il est devenu Mario, son ptit pseudo, nous avons grandi ensemble et les débuts n’ont pas toujours été faciles.

D’abord reclus dans les prés communaux puis dans une île du Cher avec d’autres équidés puis enfin dans

son pré de Mareuil en compagnie de Tinclair, Mario menait une vie trop indépendante, paisible dépourvue d’éducation et de compagnie : ce qui fût bien difficile à rectifier par la suite.

D’escapades en promenades dans le marais poitevin puis dans les chemins du Berry, du Bourbonnais,de la Sologne et de la Touraine nous avons cheminé en faisant connaissance, en se confrontant l’un à l’autre.

Il m’évaluait et je rectifiais petit à petit mes erreurs en apprenant les codes, les expressions non verbales, son caractère... et tout le reste !

Tout s’harmonisa, le jour où Eric, un éleveur de Cob- maréchal ferrant à qui j’avais confié mon mulet, me dit :- "Ton mulet, il est bien dans sa tête, il est extraordinaire, au trot, au galop même si parfois il amble. Au débardage, à l’attelage il va bien, il est volontaire, vaillant et surtout très intelligent, Jean je te le dis, il n’y a qu’un seul problème...: c’est toi !"

Remise en question, humilité, enfouissement de l’égo! Mais surtout une irrésistible envie de faire corps et d’apprendre, d’apprendre encore.

Et pendant 20 années ce fût une formidable histoire d’amour et de complicité extrême.

Matin et soir le pansage, les soins rituels, la confection du paddock, le nettoyage du bât, etc m’occupaient de longs moments en osmose avec lui...

Dernièrement, le président de la communauté de communes du Val2Cher me demandait de parcourir les 33 communes avec Le mulet Mario afin de les faire mieux connaître aux enfants, touristes et autochtones.


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C’est ainsi que le livre «Au pas du mulet » coécrit avec un illustrateur et une plume fut édité et offert à tous les élèves inscrits en primaire dans le territoire, ainsi qu’à chaque municipalité.

Aujourd’hui, quelques exemplaires sont disponibles auprès de l’association « Mule qui peut » au prix de 15 euros dont 7 euros sont reversés à l’institut Gustave Roussy (IGR).





Mon activité professionnelle m’a conduit à côtoyer des enfants surhandicapés dont certains en traitement contre le cancer. La souffrance de ces gosses et celle de leurs parents m’a beaucoup touché tant elle était immodérée et injuste. Dès lors, j’ai consacré l’ensemble de mes voyages à une contribution active à la recherche sur les cancers pédiatriques en lien avec l’IGR sous les couleurs de l’association « l’étoile de

Martin » en récoltant des fonds ciblés et en «bafouillant » sur les méfaits des cancers et les espoirs de traitements.

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J’ai parcouru des milliers de kilomètres en compagnie de Mario avec un scénario sensiblement identique ; rencontre avec les élèves du CE1 au CM2 des classes des communes traversées, forum en Ehpad, discussions avec les associations de pédestres, nombreux échanges avec les quidams curieux de notre équipage...

Ces rencontres multiples furent d’une grande richesse, toujours soutenues par un mulet constamment prêt à participer à l’échange pédagogique en particulier devant les enfants en se prêtant par exemple à montrer son bât, ses sacoches bâbord (Bouf) et tribord (Matos), ses sabots et , sa queue, ses grandes dents et ses oreilles pareilles. Ce qu’il affectionnait le plus était de faire le clown en soulevant avec force mon derrière

avec son museau me projetant ainsi deux mètres en avant, alors que je contais une anecdote: et cela faisait bien rire les enfants. Il se prêtait volontiers aux longues séances de caresses à l’issue de chaque intervention.


Sans ce mulet, mes marches solidaires auraient été vaines et adieu le Jura, les Vosges le Cantal, les Alpes et beaucoup d’autres reliefs, les chemins de traverses, les villes, agglomérations et villages, l’Espagne, la Belgique, l’Allemagne, les forêts, les côtes et les rivières, les lieux de mémoires et d’Histoires, les convergences patrimoniales religieuses et civiles ainsi que les randonnées familiales ou amicales, bref tout

se qui touche aux hommes et aux civilisations.

Beaucoup de voyages furent de ce fait partagés avec famille et amis ou connaissances d’un jour ou plus.

Il est ainsi de nombreux circuits à Thème : tour des prisons franciliennes avec les personnels de l’administration pénitentiaire, rencontre à l’hôtel National des Invalides avec les militaires mutilés en opérations extérieures et les blessés du Bataclan, rencontres avec les vignerons de Sancerre, de Bordeaux, de Saint Emilion, médiation animale avec des personnes malades ou handicapées..., randonnées, balades,

voyages, GR, circuits...


Jamais je n’aurais pu marcher sans donner sens à mes voyages. Cela conduit à espérer, à vaincre la souffrance et la solitude acceptées. L’intériorité se renforce et aide à se dépasser, c’est une sorte (comme l’indique La Boétie), de servitude volontaire mais oh combien riche en découverte et surtout en don de sens !

Demain je partirai peut-être sur d’autres chemins, ceux de l’écriture pour fixer mes réflexions venues avec le recul du temps, pour dire que l’Espagne c’est un peu Salvatore Dali, que l’Allemagne se ressent à travers le fils de Pépin le Bref, que la plupart des abbayes sont les filles de Cluny, que mes marches sont

le reflet de Patrick Leigh Fermor, de Marco Polo ou plus simplement de Montaigne, Kérouac, Ruffin, Rimbaud, Nerval et tant d’autres...

C’est ainsi qu’à l’occasion des deuxièmes assises nationales du mulet j’ai rencontré l’association « Mule qui peut » vouée à la valorisation de cet animal formidable : le MULET.


Jean Poitevin en octobre 2025


Si vous aussi vous voulez soutenir l'action de Jean, le livre est disponible sur Helloasso

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