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DES MULES POUR L'ESPAGNE

  • Photo du rédacteur: Remy Pipet
    Remy Pipet
  • il y a 7 jours
  • 47 min de lecture

extrait du livre Le voisin et le migrant

Hommes et circulations dans les Pyrénées modernes (XVIe-XIXe siècle)



Éditeur : Presses universitaires de Rennes

Lieu d’édition : Rennes

Publication sur OpenEdition Books : 27 septembre 2019

ISBN numérique : 978-2-7535-6778-8

Collection : Histoire

Année d’édition : 2011

ISBN (Édition imprimée) : 978-2-7535-1266-5

Nombre de pages : 372

 

 

  

Les Pyrénées : à la fois barrière et interface, frontière et trait d’union, zone de passage et d’échanges. C’est cette réalité qu’ausculte cet ouvrage. La montagne est une vaste zone de contacts dans laquelle se sont développées d’étroites solidarités entre les populations des deux versants, dépendant de souverainetés différentes. Mais les conflits, pratiquement omniprésents, sont-ils sans effet sur les populations frontalières, leurs activités économiques et leur façon d’appréhender le « voisin » de l’autre côté de la chaîne ? En un mot, les Pyrénéens vivaient-ils vraiment « en bons voisins » comme ils aimaient tant le proclamer, surtout lorsque ce « bon voisinage » était remis en cause ?

À travers ces pages, les Pyrénées retrouvent aussi la place qui était la leur dans ce vaste espace transfrontalier qui unit le Massif central à la Catalogne et à l’Aragon. Ainsi, sont mis en lumière les réseaux commerciaux et de migrations allant des hautes terres d’Auvergne et du Limousin à l’intérieur ibérique. Au terme du parcours, ce travail éclaire la dynamique d’un espace dont les Pyrénées sont la colonne vertébrale.

Cependant, force est de constater que, au fil du temps, la frontière est de plus en plus présente physiquement, mentalement, symboliquement, aidant à remettre en cause les vieilles solidarités et les relations frontalières, de voisinage ou de plus grand rayon, qui n’intéressaient pas les seuls autochtones. En effet, elles mobilisaient aussi des migrants qui, sur des distances assez honorables, donnaient une cohérence à cet espace transfrontalier et lui faisait, en quelque sorte, prendre corps.

 

 

 

Chapitre IX. Des mules pour l’Espagne 1

p. 211-236


Qui se penche sur le commerce à l’époque moderne, pour peu qu’il s’agisse de montagnes ou de l’Europe du Sud, découvre, en de multiples occasions, un acteur essentiel : le mulet. La plupart du temps, on le rencontre parce qu’il assure le transport des marchandises sur des voies du grand commerce européen d’alors, comme l’axe unissant Burgos à Bilbao2 ou Saragosse à Oloron, et au-delà à Toulouse et Lyon, ou celle-ci à Gênes, comme sur les routes du Languedoc ou du Poitou où les muletiers auvergnats jouaient un rôle de premier plan3. Or, ces animaux faisaient eux-mêmes l’objet d’un négoce que l’on peut parfois entrevoir à travers les sources. Et le développement du commerce, conjugué à l’engouement que suscite ce type d’animal aux débuts des Temps modernes, lui donne une importance qui, à notre avis, a été trop peu évoquée. D’autres régions n’échappent certainement pas à un phénomène dont l’étude permettrait d’observer comment l’économie et la société se sont comportées face à lui. Nos différents travaux nous l’ont fait mettre à jour pour les Pyrénées centrales ; c’est donc sur ce terrain que nous nous pencherons, en espérant que notre contribution apporte un éclairage utile et puisse s’ouvrir vers des comparaisons nécessaires. Pour cela, nous effectuerons un bref survol historiographique de la question, puis, à travers ces exemples pyrénéens nous aborderons les circuits d’approvisionnement et nous nous arrêterons sur quelques-uns des problèmes que soulève l’adoption – dans des proportions qui restent à définir – de l’activité mulassière par les vallées.

 

 Un état de la question


Les travaux de synthèse sur l’histoire de l’élevage réservent aux mulets une place qui, à notre avis, ne rend pas justice à l’importance qu’ils pouvaient représenter dans une grande partie du royaume4. Bien plus, les mots « mule » et « mulet » sont absents de l’index thématique de l’Histoire de la France rurale5. De même, une enquête bibliographique, menée en particulier dans les revues régionales couvrant des régions susceptibles d’abriter les lieux de naissance, d’élevage ou de foires (Poitou, Auvergne, Rouergue, Vivarais, Velay, Alpes, etc.) et dans les revues spécialisées dans l’histoire des animaux, révèle que l’essentiel reste à faire. Pourtant, tout laisse à penser qu’il y a un travail d’une certaine envergure, c’est-à-dire qui embrasse un espace large, des Alpes au Poitou et le sud européen, à mener sur le commerce mulassier à l’époque moderne.

En leur temps, Fernand Braudel6 et Bartolomé Bennassar7 avaient signalé l’importance que représentait le marché ibérique, grand demandeur en mulets à partir du XVIe siècle, phénomène d’ailleurs assez général dans l’Europe méditerranéenne puisque F. Braudel le constatait aussi pour l’Italie, Chypre ou les Balkans. La sobriété et la résistance physique de cet animal le font adopter pour les travaux agricoles et pour le transport, en remplacement des bœufs et peut-être même des chevaux. En Castille, le règne de Charles Quint (1516-1556) semble correspondre à l’époque de ce que l’on pourrait appeler la « victoire » du mulet, malgré une volonté politique affichée de s’y opposer8. Dès 1513, l’agronome Alonso de Herrera se plaignait de l’augmentation générale du nombre de mulets qu’il considérait comme une preuve de déclin9 ; il expliquait que cet animal était utilisé à la fois pour les travaux agricoles et pour le transport, grâce à sa sobriété et sa résistance. D’après lui, en Espagne, pour 600 000 mules de labour, il y en aurait 400 000 pour le transport. Herrera était très réservé quant à cette victoire du mulet sur le bœuf comme outil agricole, qu’il considérait comme une calamité d’autant que cette expansion se faisait aussi au détriment du cheval pour lequel les gouvernements durent prendre des mesures afin d’en protéger l’élevage, en particulier pour les besoins de la guerre. La victoire des mules peut s’expliquer par le fait qu’elles labourent et se déplacent plus rapidement10, mais en contrepartie leur labour est moins profond. Soixante-cinq ans plus tard (1578), Juan de Arrieta11 pouvait alors écrire, comme pour constater la fin d’un processus qu’il regrettait, que « la cause de la totale perte de l’Espagne » est due à « l’introduction [pour remplacer les bœufs], des mules qui provoquent des dépenses excessives, dont le travail est mauvais, inutile et très pernicieux quand celui des bœufs est bon, utile et merveilleux… ». Les travaux de Bartolomé Bennassar sur les campagnes de Valladolid, puis ceux de Francis Brumont sur les paysans de Vieille Castille12 ou de Julian Montemayor sur la région de Tolède13 étayent la vision contemporaine de l’expansion des mules. Par exemple, alors qu’il y avait onze bœufs et aucune mule au monastère de San Benito en 1502, l’analyse des inventaires des biens de seize laboureurs de la région de Valladolid, entre 1536 et 1598, révèle l’avantage décisif pris par les mulets sur les bœufs. Incontestablement, dans la péninsule Ibérique, la mule fait des progrès comme outil agricole : le contexte est bien celui d’une demande en croissance. Il faut ajouter à cela l’importance du commerce par voie de terre, pour lequel le mulet est un moyen de transport efficace, chacun pouvant transporter 120 à 150 kg, deux fois plus qu’un âne ; des caravanes d’une quarantaine de bêtes se forment, menées par une quinzaine d’hommes (traginèrs), comme celle que mentionne Henri Blaquière pour 1639 entre Bagnères-de-Luchon et l’Espagne14.

En 1983, l’historienne catalane Núria Sales publiait deux articles dans les revues L’Avenç et Recerques15 consacrés au commerce mulassier à la toute fin du XVIIIe siècle et au XIXe siècle. À partir d’archives d’une compagnie de maquignons de l’intérieur de la Catalogne, elle pouvait reconstituer les lieux d’approvisionnement en mules que fréquentaient les Catalans, en un mot elle mettait en lumière l’extension des réseaux commerciaux reliant le Poitou et la Catalogne au tournant des XVIIIe et XIXe siècles. Ces articles confirmaient l’importance du mulet dans la péninsule Ibérique, pour une époque quelque peu tardive, et l’existence d’un fort courant commercial passant par les Pyrénées. Le commerce des mules concernait des marchands de la vallée d’Aure, du Comminges, du Couserans, du pays de Foix, de la Ribagorça, du Val d’Aran, du Pallars, de la Cerdagne, qui menaient des bêtes aux foires catalanes et aragonaises. Là, des maquignons ou des éleveurs venaient s’approvisionner en jeunes mules, souvent d’origine poitevine. Au XIXe siècle, ces maquignons catalans, bénasquais ou aranais, après avoir fréquenté les foires de France, proches de la frontière (Luchon, Tarascon, Saint-Béat…), prennent l’habitude de se rendre eux-mêmes dans les foires du Poitou (Niort, Melles, Bressuire…), pour acheter les mules : cela traduit-il un changement dans les conditions d’approvisionnement et d’élevage, au début du XIXe siècle ? On le verra avec l’exemple aranais, au XVIIe siècle, les achats étaient effectués aux foires d’automne en Comminges, et les reventes, dans les foires catalanes et aragonaises de printemps et d’été.

Plus d’une décennie après, alors que nous travaillions sur le Val d’Aran du XVIIe siècle16, nous nous sommes rendu compte du rôle que jouait le commerce mulassier pour une petite vallée frontalière, de sorte que nous y consacrions une étude17. Un peu plus tard, en 2001, ce trafic inspira un article, centré sur le haut Aragon de l’extrême fin du XVIIIe siècle, aux historiens aragonais Encarna Jarque Martínez et José Antonio Salas Auséns18, et en 2003 Olivier Codina écrivait quelques pages sur le développement de l’élevage spéculatif des équins en Andorre, centrées sur ce qui s’est passé localement au cours du XVIIIe siècle19. Enfin, assez récemment, le médiéviste Anthony Pinto a fait paraître un article20 qui nous renseigne sur la plus grande ancienneté du phénomène puisqu’il note, à partir de l’étude des minutiers des XIVe et XVe siècles, une importation massive d’équidés – en particulier de mules – en Roussillon et dans la région de Gérone, et la présence de maquignons venus du sud du royaume de France (Béarnais et Gascons surtout mais aussi Auvergnats et Languedociens). Cet auteur considère qu’il s’agit là d’un phénomène que les historiens avaient jusqu’alors négligé. En outre, méthodologiquement, il confirme le grand intérêt de la source notariée pour une approche fine de ce commerce. Les régions de production et les itinéraires qu’il met en évidence confirment l’essentiel de ce que nous avions dit pour les Pyrénées centrales et ce que nous avons pu préciser depuis dans nos derniers travaux sur le comté de Foix21. Nous ne pourrons en offrir ici qu’un très sommaire aperçu, limité et circonscrit dans l’espace.

 

Deux cas : Val d’Aran et pays de Foix


Si nous privilégions, ici, ces deux territoires, c’est parce qu’ils nous sont les mieux connus puisque nous leur avons consacré des recherches directes. Celles-ci nous ont permis de mettre en lumière l’activité mulassière et d’en dévoiler certains des rouages. Un document du fonds privé de la Casa Lobató, de Gessa (haut Aran), montre un type de marchand aranais dont le commerce des mules est une des principales activités. Francisco Moga-Pont, né en 1700, a fait le commerce du bois, des porcs (tocinos achetés en France et vendus en Aragon), des ovins et surtout des mules et mulets. Nous ne pouvons généraliser ce modèle, d’autant moins que ce négociant était lié avec les familles de notables aranais, au moins du haut Aran, sans toutefois être l’héritier de sa maison. Son exemple met cependant en évidence l’importance de cette activité qui lie commerce et élevage. Notons, malgré tout, que les Respostas generals de 1717 étudiées par M. A. Sanllehy22 ne mentionnent pas l’élevage des mules et que la Relación general del Vezindario en el Principado de Cataluña23 donne, pour 1718, le chiffre de seulement 254 chevaux ou mules pour l’Aran, alors que nous verrons que ces bêtes étaient omniprésentes dans la vallée.

 

En Aran

Des témoignages contemporains

Le Val d’Aran est autorisé par la monarchie française à faire entrer dans son territoire, tous les ans, huit cents têtes de mules ou bovins en payant seulement 25 sols par tête de droits forains. Grâce aux témoignages de Young ou de Madoz, à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, M. A. Sanllehy24 a pu reconstituer ce qu’était cette activité à la fin du XVIIIe siècle. Commençons par là : les mulets achetés aux foires de printemps de France (Foix, Auch, Saint-Girons, Montréjeau, Saint-Béat25, Beaucaire, etc.) seraient élevés en Aran pendant l’été et revendus au début de l’automne aux foires aranaises, catalanes (Pallars) et aragonaises (Ribagorça, Barbastro, Huesca…). Ainsi Young aurait dénombré en 1787 environ deux mille mules ou mulets dans la vallée, à qui on réservait les meilleurs pâturages. Les Aranais nourrissaient les mulets en été au moment de l’accueil des autres troupeaux bovins ou ovins. Le chiffre de deux mille têtes est aussi donné par Juli Soler pour le début du XXe siècle ; cet auteur précise que les Aranais achètent en France des animaux jeunes et les élèvent dans leurs montagnes pendant deux ans pour les introduire ensuite dans le marché espagnol26.

Le commerce des mules est bien attesté dans la documentation du XVIIe et du début du XVIIIe siècle. En 1699, dans le mémoire qu’il rédige sur la généralité de Montauban, l’intendant Félix Le Pelletier de la Houssaye27 insiste particulièrement sur la foire de la mi-carême de Rodez au cours de laquelle sont vendus mules et mulets pour l’Espagne « dont le prix va quelquefois jusqu’à deux cent mil écus, et que l’on y vient de tous les païs ». Il note la foire de Saint-Béat, où, pour le compte des Espagnols se vendent jusqu’à 100 000 écus de mulets « la plupart achetés à la foire de Rhodés ». Les mules achetées par les Aranais, et sans doute des Aragonais et Catalans, viennent, au moins en partie, de Rodez et peut-être même de plus loin28, puisqu’un pays « naisseur » est La Planèze dans les monts du Cantal, près de Saint-Flour29. L’étude des actes des notaires de Saint-Béat effectuée par Henri Blaquière30, Yves Képéklian et Lila Benamiche31, et le témoignage de Louis de Froidour32, attestent ce commerce de mulets pour tout le XVIIe siècle. Par exemple, quatre actes de vente de bétail rencontrés en 1667-1668 concernent dix mulets et deux mules vendus 342 livres tournois33. D’autres exemples sont fournis par Henri Blaquière pour 1608 et 162534. Louis de Froidour quant à lui, en 1667, note que le Castillonnais et Saint-Béat vendent des mulets aux Espagnols35, dont une partie doit être des Aranais. Il apporte d’autres précisions : à Saint-Béat, on vend jusqu’à 200 000 ou 300 000 livres de bestiaux que les Espagnols achètent entre six et huit mois ; les mules, selon lui, vendues 6 ou 7 pistoles étaient préférées aux mulets et poulains vendus seulement 3 pistoles environ36.

Pour sa part, Michel Cours-Mach écrit que des mules et juments du Couserans passaient en fraude en Espagne, camouflées en bêtes de somme, mais il ne précise pas l’époque à laquelle il fait référence37. Une allusion à une telle pratique est contenue dans une décision prise par le contrôleur général des fermes de Saint-Béat, le 5 mai 1681, notifiée au syndic aranais le 13 mai : désormais, tous les Aranais devront déclarer toutes les mules et chevaux qu’ils sortent de la vallée pour aller chercher des marchandises en France, pour pouvoir rentrer chez eux avec le même nombre de bêtes. Cette mesure a pour but, est-il spécifié, d’éviter que ne passent des mulets achetés en France qui, couverts de bâts, entraient ensuite en fraude en Aran (sans payer de droit de foraine). L’Archiu Generau d’Aran (AGA), à Vielha, conserve un « billet » de passage du 7 juin 1681 donné à un marchand de Betren qui passe trois mulets pour aller chercher du vin « à la plaine » ; il s’engage à se représenter dans huit jours, faute de quoi il devra payer les droits38.


L’organisation du commerce

La documentation confirme l’achat de mules jeunes dont parle Froidour. Ainsi, au début des années 1640 les Aranais se plaignent d’avoir payé trop de droits pour le passage de France en Aran de « cinq cens trente neuf petitz muletz et mules qui n’avoient que cinq a six moys39 ». Malheureusement, nous ne pouvons préciser la date de ce passage40, mais on voit bien que les mules passent encore jeunes. Un autre document, de 1624, indique le passage de trois cent soixante-dix-sept mules41. De même, le libre d’actes du conseil général contient quelques délibérations intéressant le commerce des mules42. Ainsi, le 19 novembre 1634, on sait que les Aranais ont dépassé de quatre cents, depuis de début de l’année, le quota de huit cents mules et vaches auquel ils ont droit en payant seulement la foraine à 25 sous par tête. Selon toute vraisemblance, ces bêtes ont été achetées à la foire de Saint-Martin (autour du 11 novembre) à Saint-Béat, et les commis de la foraine en exigent 4 livres par tête, soit le paiement des droits entiers. Le 3 janvier 1635, le calcul effectué lors de la réunion du conseil général estime à 523 le nombre de mules et mulets pris au-dessus des 800 autorisés au tarif réduit (sans doute au cours de l’année 1634)43.

On ne peut se baser sur ces chiffres pour apprécier dans sa totalité le commerce des mulets vers l’Aran car ils ne prennent en compte que ceux qui sont en surnombre par rapport aux huit cents têtes d’équidés ou bovins autorisées avec réduction des droits. Cependant on peut, peut-être, en déduire que, d’une part la plus grande partie des bêtes à « pied rond et fourchu » mentionnées dans le tarif de 155644 sont des mules et mulets, et peu de bovins ; d’autre part, ces mulets ont sans doute été achetés à l’automne alors que les auteurs des XVIIIe, XIXe et XXe siècles, précédemment cités, n’avançaient que l’achat au printemps, suivi d’un élevage en été et de la vente en automne. Enfin, les gros acheteurs seraient dans le terçon45 de Vielha et très secondairement dans ceux de Bossòst et Pujòlo ; en tout cas, les terçons de Vielha et Bossòst concentrent près de 75 % du total des mules passées.

Une autre précision est apportée par la délibération du 23 mai 1638 par laquelle le conseil général demande au gouverneur de laisser aller les Aranais vendre leur bétail à la foire du Pont de Suert dans le Pallars ; ils indiquent que ce bétail a été acheté aux foires de Saint Simon et Saint Judas (28 octobre) et de Saint Martin (11 novembre). La foire de la Saint Martin est celle de Saint-Béat ; celle du 28 octobre pourrait être celle de Bagnères-de-Luchon46 : ce ne sont de toute façon pas des foires de printemps et si on considère, comme on l’a vu, que des mules y sont achetées, le bétail en question (celui qu’ils veulent vendre au Pont de Suert) pourrait bien être composé de mules et mulets. C’est d’ailleurs fort explicite lorsque le Syndic général proclame que la vallée a le privilège du roi de France de faire entrer huit cents mules ou mulets à tarif réduit pendant la foire de la Saint-Martin, à Saint-Béat ; or, le tarif ne spécifiait pas que ce sont des « mules » uniquement47. D’autre part, le 20 mai 1632, les Aranais ont conclu avec les consuls du Pont de Suert un accord prévoyant leur venue obligatoire à la foire de Pentecôte de cette ville48. Si nous résumons, le bétail aranais acheté à l’automne est vendu en Catalogne à la foire du Pont de Suert49 et aussi de Vilaller50, dans le Pallars.

On a l’impression que la répartition des mulets francs de droit de domaniale se fait proportionnellement à la population de chaque terçon comme la réunion du conseil général du 25 juin 1640 le laisse penser. La répartition décidée est la suivante :


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Tableau 8 – Répartition des mules, 25 juin 1640, d’après Libre d’actes deth Conselh generau, Archiu Generau d’Aran.

 

Chaque terçon pourra faire entrer dans la vallée le nombre de mulets mentionné et s’il ne le fait pas, un autre terçon prendra le nombre de têtes restant. Les mulets sont regroupés en troupeaux communaux ainsi qu’il apparaît dans un document de la Casa Joan Chiquet du 1er septembre 171252. Ce jour-là Andreu Pè d’Arròs « pastor de la vegada53 dels maxos [mules] de dita vila [Vilamòs] » est accusé d’avoir perdu deux mulets dans les montagnes de Vilamòs, tués par les loups.

L’importance et l’extension de ce commerce nous sont également montrées par deux documents de l’Archiu Generau d’Aran concernant un accord passé entre l’Aran et la ville d’Escaló dans le Pallars54. Les Aranais s’engagent à aller à la foire de la Sant Grau qui se tient à Escaló le 13 octobre tous les ans ; or, en 1692 ils n’y sont pas allés ayant vendu leurs mules à la foire d’Esterri d’Àneu : c’est sur le commerce des mules d’Aran que les Pallarais comptent car il attire une clientèle importante. De même, à l’occasion d’une saisie faite à des Aranais, on apprend, en septembre 1683, que ces derniers vendent des mules et mulets à la foire de Santa Coloma, de coutume ancienne55.

Il apparaît que le Val d’Aran, au XVIIe siècle, vit en partie du commerce des mules et mulets et que la vallée est une étape sur la route commerciale établie entre le Rouergue, et peut-être même le Lyonnais, et l’Espagne. Ces mules sont achetées aux foires en France (Luchon, Saint-Béat en particulier), aussi bien au printemps qu’en automne semble-t-il, ce dernier cas étant, sans doute, plus fréquent au XVIIe siècle56. C’est ainsi que le gouverneur Subirà affirme, en 1678, que les Aranais emploient leur argent à acheter des mules et mulets après la foire de la Saint-Martin57. Ce bétail, nourri pendant quelques mois, est revendu aux proches foires catalanes de Vilaller, El Pont de Suert (printemps), Esterri d’Àneu ou Escaló (automne), ou plus lointaines de Santa Coloma de Queralt et de Prades (autour du 12 août)58. Cet élevage n’est pas ressenti comme une charge car les animaux en question consomment les herbes de la vallée et n’entraînent donc pas de dépenses pour leur nourriture59. Toutes les mules ne sont pas achetées, elles peuvent être mises en « engraissage » chez des Aranais comme celles que laisse Bruno Agède, de Saint-Girons, à Nadal Amiel de Tredòs, le 27 novembre 1692 : le preneur reçoit huit mules et quatre mulets de dix-huit mois, donc nés vers mai 1691, avec l’obligation de les nourrir et de leur faire passer l’hiver jusqu’au premier mai suivant. Cet exemple confirme que la vallée est un lieu « d’hivernage » pour les mules60.

C’est dans un contexte plus large, présenté dans notre introduction, qu’il faut replacer l’élevage des mules, provenant des foires françaises, dans le Val d’Aran, qui fournissait peut-être mille ou mille deux cents têtes de ce bétail chaque année aux marchés catalan et espagnol. Ainsi le vice-roi d’Aragon peut-il demander au roi, le 25 mars 1636, de reconnaître aux Aranais, malgré la guerre de Trente Ans, leurs privilèges de lies et passeries, non pas pour leur nécessité mais parce que son royaume a besoin de mules de France61. L’importance du Val d’Aran apparaît aussi au cours de la guerre des Segadors (soulèvement de la Catalogne, alliée de la France, contre la Castille, de 1640 à 1652), lorsque, en 1649, Nestier, le gouverneur français de l’Aran, pense que le forteresse aranaise de Castèth-Leon fut perdue par les Franco-Catalans à cause de la traîtrise des Aranais et soldats de la place, mais aussi grâce à l’aide de gentilshommes français de la vallée de Layrisse (Luchonnais), dont l’intervention s’explique par la nécessité qu’ils ont d’avoir le passage libre vers l’Aragon, car ils « fournissent toutes les mules et équipages d’Espagne » et que « ce poste [Castèth-Leon] est le seul qui peut empêcher le trafic des mules et bestiaux en Aragon »62. Comme déjà en 1641 ou 1643, ce sont les intérêts commerciaux des marchands français qui expliquent leur intervention, d’un côté (les Français en 1641 et 1643) ou de l’autre (les Castillans en 1649) car ils veulent continuer à approvisionner ce florissant marché.

Le rôle du Val d’Aran dans le commerce des mules, au XVIIe siècle, et même pendant la guerre entre la France et l’Espagne, est manifeste si on compare avec le passage de Torla, entre l’Aragon et la Bigorre, dont Annie Brives-Hollander a étudié le registre de péage de 164263. Cet auteur note le passage vers l’Aragon de poisson salé, comme on en trouve en Aran, mais une absence totale de mules alors que passent 1 200 bovins, ovins, caprins, porcins et équidés. Est-ce une absence conjoncturelle ou traduit-elle une spécialisation des passages pyrénéens en relation avec les zones d’élevages ? D’autre part, ces mulets sont un objet important du commerce puisqu’il est probable que passent chaque année par l’Aran, pour 30 000 ou 36 000 livres catalanes (75 000 à 90 000 livres tournois) de mulets64 alors que le total (entrées et sorties) des marchandises à Torla, en 1642, n’est que d’environ 28 000 livres catalanes65 et celui de l’axe Oloron-Jaca, par Canfranc, de 42 000 livres catalanes66.

En pays de Foix

D’une manière générale, le commerce des mulets domine nettement la documentation du haut pays de Foix, en accord, certainement, avec l’importance réelle que cette activité représentait en raison de la demande ibérique. Précisons, tout de suite, que les sources exploitées ne permettent pas de distinguer entre les animaux qui pourraient être issus de l’accouplement entre un âne et une jument (appelés parfois grands mulets en français) et ceux produits par un cheval et une ânesse (en français, les petits mulets ou bardots). De même, les termes occitans et catalans de mul (ou muòl aussi en occitan) et mula s’appliquent indifféremment à l’un ou l’autre des produits67 et en français, les définitions varient sensiblement entre les dictionnaires qui, pour les uns, considèrent comme mulet toute bête hybride âne-jument ou cheval-ânesse, et pour les autres, uniquement le produit de la rencontre entre un âne et une jument68. Olivier de Serres, lui-même, écrit : « De l’asne et de la jument, ou du cheval et de l’asnesse, s’engendrent les mulets et mules69 », mais il précise plus loin : « Les plus prisés de ces animaux sortent des jumens, par estre plus grands et ayans plus petite teste que ceux qui sortent des asnesses », même si l’auteur ajoute que c’est un produit plus difficile à obtenir (« au lieu que les chevaux plusieurs se rencontrent facilement s’accoupler avec les asnesses70 »). Sans doute donc, le mulet issu du croisement entre l’âne et la jument était-il préféré aussi dans les Pyrénées des XVIe et XVIIe siècles. Peut-être aussi que certaines différences de prix s’expliqueraient par l’existence sur le marché des deux types de produits, mais cela resterait à démontrer…

Quoi qu’il en soit de l’origine biologique des mules et mulets commercialisés, que savons-nous d’eux ? Commençons par la couleur. À Tarascon, la plus grande partie des mulets mâles sont noirs ou rouges (39 % pour chaque couleur), loin devant le faubel71 (11 %), alors qu’à Ax, le noir arrive en tête avec près de 45 % des bêtes vendues, suivi du faubel (18 %), du rouge (13 %), des différentes nuances de bai (10,25 %) et de gris (9 %). L’importance des pelages noirs à Ax est confirmée par les baux à cheptel (gasailles) dans lesquels cette couleur rassemble 36-37 % des bêtes72. Pour ce qui est de Tarascon, le peu de gasailles de mulets n’autorise aucun résultat. Cela est-il l’indice d’une origine différente pour les animaux en question ? Rappelons ce qu’Olivier de Serres écrivait, sur cette question, à l’extrême fin du XVIe siècle : « Il est besoin de prendre curieusement garde à la couleur du poil ; laquelle est désirée noire ès mulets et mules, mesme de ceux qu’on destine au port des hommes, que nulle autre. […] Afin que cela advienne ainsi, l’asne étalon sera choisi de poil le plus obscur qu’on pourra treuver […]. Quant aux jumens, la facilité d’en recouvrer des parfaictement noires, donne moyen de se satisfaire en cest endroit : comme aussi des chevaux ainsi qualifiés tant qu’on veut : mais non aisément recouvre-on des asnesses de telle couleur, estants presques toutes grises73. » On peut tirer deux informations de ces phrases. Tout d’abord, la pression du marché qui pousse à produire du bétail noir ; ensuite, la difficulté d’en obtenir sûrement par le croisement entre le cheval et l’ânesse. Cela peut-il nous faire entendre que les animaux tirant sur le gris seraient plutôt des bardots ? Dans ce cas, y a-t-il des différences de prix significatives entre les couleurs ? Ici aussi nous sommes confrontés au manque relatif de données se prêtant à la comparaison puisqu’il faudrait comparer ce qui est comparable, c’est-à-dire qu’il faudrait disposer simultanément de la couleur et de l’âge des animaux, de même – mais cela est si rarement indiqué – d’autres caractéristiques physiques. Les informations recueillies pouvant se rapporter à des animaux âgés de 3 ans et plus n’indiquent pas de façon décisive de supériorité d’une couleur sur l’autre ; le rouge et le noir offrent sensiblement le même prix au milieu du XVIIe siècle, dans les deux localités d’étude (autour de 113 livres par tête).

Quelques différences existent entre les deux villes pour ce qui est de l’âge des animaux commercialisés. Ainsi, à Tarascon, on ne dénombre pas de vente de bêtes avant l’âge de quatre ans alors qu’à Ax, 79 % sont vendues avant d’avoir atteint cet âge. De tels résultats ont certainement une explication dans l’orientation du marché des deux villes. De plus, si l’on rencontre très peu de mises en gasaille de mules à Tarascon, à Ax, en revanche, elles ne sont pas rares et dans près de 75 % des cas recensés, elles concernent des animaux âgés d’environ deux ans. Donc, si la région d’Ax est une région de muletons – peut-être de nourrissage – ce n’est pas le cas de celle de Tarascon. De ce fait, une partie non négligeable du cheptel muletier axéen s’écoule en direction de la Catalogne, et un peu de l’Andorre, encore jeune puisque les ventes vers ces contrées se font entre un et trois ans, avant que les bêtes n’aient été dressées. Les animaux jeunes sont beaucoup moins chers que ceux qui ont été dressés et qui possèdent une force de travail plus importante. Au milieu du XVIIe siècle, à un ou deux ans un mulet valait, en moyenne, 60-70 livres, mais un individu âgé de plus de trois ans dépassait 110, voire 120 livres.


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Graphique 4 – Couleurs des mulets et mules à Tarascon et à Ax selon ventes et gasailles.

 


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Graphique 5 – Âge des mulets et des mules échangés à Tarascon et à Ax.

 


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Graphique 6 – Prix moyen des mulets à Ax et Tarascon en fonction de l’âge (1640-1650).

 

Le prix des mulets est bien plus élevé que celui d’un cheval comme on peut l’observer dans le tableau suivant dans lequel nous comparons le prix de ces animaux en prenant comme base celui des chevaux.


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Tableau 9 – Comparaison du prix moyen des équidés par rapport au prix moyen d’un cheval au milieu du XVIIe siècle.

 

Les rapports sont sensiblement les mêmes à Tarascon et Ax, à l’exception notable des juments qui ont une valeur marchande supérieure à Ax qu’à Tarascon, peut-être due à leur orientation poulinière et mulassière. Si une production locale n’est pas totalement à exclure, il est très probable que la région importe des bêtes des pays naisseurs, bien que les attestations et même les indices de ce courant soient fort rares. Nous en avons trouvé deux. Le premier en date du 11 avril 1601 : un habitant de Belpech74, un Andorran d’Ordino et un habitant de la Vallferrera reconnaissent devoir 705 écus sol (2 115 livres) à un marchand de Tarascon, d’un prêt consentit « pour achapter des mulles en la foire de Roudes75 ». Le 20 mars 1635, l’Andorran Guillem Areny confie 500 livres à Joan Oliva, un compatriote d’Ordino, afin qu’il aille acheter des mules « en la ville de Rodez au pays de Rouergue » et qu’il les conduise en Andorre dans un délai d’un mois76. Quelques années plus tard, le marchand d’Orlu Jean petit Naudy, dicte son testament avant de partir, dit-il, à Roudes77. Sans doute, ces marchands s’approvisionnent-ils à la fameuse foire de la mi-Carême de Rodez dont on sait l’importance. En effet, en 1552, l’Enquête sur les commodités du Rouergue la signalait pour les ventes de mules et mulets qui s’y effectuaient et la fréquentation qu’en faisaient les marchands des « Espaignes, Navarre, Biarn, Biscaye, Gascoigne, Lenguedoc, Provence, des pays de Lyonnois, Limoisin, Perigort, Agennois et Quercy et d’autres provinces78 ». Près d’un siècle et demi plus tard, ce succès ne s’était semble-t-il pas démenti, de sorte que l’intendant de Montauban écrivait, en 1699, que « de quatre [foires] qu’il y a à Rhodés celle de la my caresme l’emporte sur les autres à cause de la vente qui s’y fait de mules et de mulets pour l’Espagne79 » et d’ajouter, nous l’avons évoqué, dont le prix va quelquefois jusqu’à deux cent mil écus, « que l’on y vient de tous les païs ». Mais Andorrans et Catalans peuvaient se contenter de venir acheter des animaux à Ax et à Tarascon où, en avril 1595, Joan Bosquet, de la Massana (Andorre), se procure 20 mules et une jument pour 1 040 écus sols80. À Ax, le marchand Jean-François Aimeric exerce une activité de maquignonnage assez intense. Ajoutons que, pendant le XVIIe siècle, les registres notariés de Belcaire, dans le pays de Sault languedocien très voisin, recèlent d’assez nombreuses ventes de jeunes mulets de deux ans, en particulier au mois d’avril81, ce qui pourrait indiquer un courant commercial.

Si nous nous intéressons aux rythmes de ce commerce au cours de l’année, l’été est la saison creuse à Tarascon (avec tout de même 17 % des animaux vendus), alors qu’à Ax c’est l’automne qui connaît un fléchissement très net de l’activité. Si l’on fait une analyse plus fine, semaine après semaine, on observe une explosion en début mai qui correspond, à Ax, à la foire de la Sainte-Croix de printemps où quelque 20 % des mulets s’échangent.

 


Tarascon

Ax

Printemps

33,0 %

23,5 %

Été

17,0 %

42,0 %

Automne

27,5 %

12,0 %

Hiver

22,5 %

22,5 %

Tableau 10 – Rythme saisonnier de la vente des mules et mulets à Tarascon et Ax (en % du total des bêtes).

  

Les circuits d’approvisionnement pyrénéens


Les Pyrénées centrales apparaissent donc, à l’étude des cas précédents, comme un axe privilégié du commerce des mules, mais aussi une zone de réélevage d’animaux achetés encore jeunes et destinés à la revente vers la péninsule Ibérique, activité développée au cours de l’époque moderne, selon une chronologie – sans doute localement différenciée – encore à déterminer. Les nombreuses foires des petites localités frontalières du royaume de France attirent les acheteurs. Louis de Froidour note dans ses lettres82 que le Castillonnais et Saint-Béat (Comminges) vendent des mulets vers l’Espagne ; selon lui, à Saint-Béat, on vendait jusqu’à 200 000 ou 300 000 livres de bestiaux que les Espagnols achetaient entre six et huit mois. Nous avons cité, plus haut, l’intendant de Montauban, Le Pelletier de la Houssaye qui évoquait, à la fin du XVIIe siècle, les 100 000 écus de mulets, « la plus part achettés à la foire de Rhodés », qui étaient échangés à la foire de Saint-Béat, pour le compte des Espagnols. Un réseau commercial reliant le Rouergue à la péninsule Ibérique se dessine nettement à partir de ces témoignages des XVIe et XVIIe siècles. Les Pyrénées centrales étaient ainsi, et dès au moins le XVIIe siècle, une des voies pyrénéennes du commerce des mules. En effet, dans le Val d’Aran, ce trafic concernait une grande partie de la population et faisait l’objet de discussions au conseil général, indice de son importance socio-économique dans la vallée : le gouverneur royal n’affirme-t-il pas, en 1678, que les Aranais emploient leur argent à acheter mules et mulets après la foire de la Saint-Martin de Saint-Béat83. Par leur valeur, ces animaux représentent un objet important de commerce comme nous l’avons vu. Les animaux étaient achetés aux foires d’automne de Saint-Béat et de Luchon, vers six mois, puis engraissés quelque temps dans la vallée avant d’être revendus, au printemps et en été, aux foires catalanes proches de Vilaller, Esterri d’Àneu ou El Pont de Suert ou plus lointaine de Prades, Verdú, Santa Coloma de Queralt, spécialisées dans ces transactions.

Dans la vallée de Barravés84, en Catalogne nord-occidentale, au sud du Val d’Aran et à la frontière du comté de Ribagorça, le principal commerce de Vilaller sont les mules, achetées non sevrées et élevées tout l’hiver, pour être vendues lorsque leur taille atteint 7 pams, c’est-à-dire 1,35 mètre environ. Cet élevage était favorisé par le fait que les herbes n’étaient pas soumises au paiement des dîmes et l’engraissage des mules était donc d’un coût peu élevé, si ce n’est l’investissement que représentait l’achat d’une mule. Dans ces régions de montagne, la mule était un objet de transaction mais peu un « instrument » agricole car l’enquête de Zamora (1790) montre l’utilisation majoritaire des bovins dans les labours. La zone possède plusieurs foires où s’échangeaient les mules : Vilaller, El Pont de Suert (printemps), Esterri d’Àneu, Benasque (début octobre), Castejón de Sos (fin octobre), ou plus au sud Salàs et Verdú (à l’est de Lérida).

Pour ce qui est de Benasque, sans précision chronologique, Angel Ballarín Cornel85 écrit que les conditions géographiques de la vallée ont permis de généraliser l’élevage (recrío) des mules. Les paquets de mules, c’est-à-dire un groupe de 14 à 16 têtes, étaient le principal bien des cases buenes86 ; cet auteur écrit d’ailleurs dans son dictionnaire : « Ántes, a tótes les káses buénes, rekriáben un pakét de múles » (avant, dans toutes les « bonnes maisons », on élevait un « paquet » de mules). Une partie d’entre elles, achetées entre 18 et 30 mois, au printemps et à l’automne, provenait, au moins à la fin du XVIIIe siècle, des vallées d’Aran et d’Àneu87 ; leur nombre était d’environ 800. Ces muletons passaient l’été dans les montagnes et en descendaient au début du mois de septembre pour paître le regain. Engraissés dans la vallée pendant un an, voire deux ans dans les cas extrêmes, ces animaux étaient revendus, à partir de 30 mois (els trentens, les trentenes), en octobre dans les foires voisines de Benasque (12/10) et de Castejón de Sos (26/10), fréquentées par des gens de Ribagorça, du Comminges, de l’Aran. Selon A. Ballarín Cornel, les mules élevées à Benasque se retrouvaient dans les rues de Madrid ou dans les champs de la Manche. Si ce secteur est encore actif à Benasque à la fin du XVIIIe siècle, il semble bien, en revanche, que dans le reste de l’Aragon pyrénéen, il ait eu à subir les contrecoups des guerres de la Révolution.

L’achat de mulets entrait souvent dans un système de troc, dans lequel la laine, le sel ou l’huile d’olive, de provenance ibérique, jouaient le rôle de monnaie. C’est de la sorte que, par quatre actes signés lors de la foire de mai 1641 à Ax, un muletier cerdan se procure trois mulets et une jument contre la promesse de livrer à ses créditeurs un total de 12,25 quintaux de laine brute88. De même, c’est avec de l’huile d’olive qu’un marchand d’Auvergne installé à Puigcerdà doit régler, en 1650, l’achat d’un mulet89. Chez les notaires d’Ax, les cas d’achats d’animaux contre la livraison de sel catalan de Cardona sont assez nombreux au milieu du XVIIe siècle. Un marchand de bestiaux comme Jean-François Aimeric est très actif dans ce domaine qui déploie une grande activité vers l’Andorre et la Catalogne. Il s’agit ici d’un commerce d’animaux sans doute déjà « dressés », prêts à être utilisés, à distinguer de celui des muletons, achetés en plus ou moins grand nombre dans les foires spécialisées, et destinés à être engraissés avant d’être revendus de l’autre côté des Pyrénées. Toujours est-il que l’on voit par là le rôle que jouent ces échanges dans l’ensemble du commerce transpyrénéen, qui se fait d’ailleurs lui-même à dos de mulet, et la permanence de pratiques commerciales qui pourraient sembler peu élaborées, de toute façon peu monétarisées, au moins jusqu’au XVIIe siècle.

Abel Poitrineau décrit aussi des Haut-Auvergnats, organisés en sociétés, bien implantés, aux XVIIe et XVIIIe siècles, dans les marchés de Catalogne et du royaume de Valence, combinant le commerce des mules et des chevaux avec celui des toiles, chaudrons et marmites90. C’est ce que fait de façon plus individuelle Pierre Laden, chaudronnier migrant auvergnat, tenant boutique près de la Seu d’Urgell, qui acheta deux mules à la foire de Saint-Flour, en 1684, pour les revendre « au royaume d’Espagne91 ». Les éleveurs auvergnats eux-mêmes pouvaient acheter les mulets dans le Poitou, qui en est une importante et réputée région de production, avant de les revendre jusqu’en Navarre, dans le Pays basque ou ailleurs en Espagne : tel est le cas, parmi d’autres, de la famille Chalvet, de Salers, citée par Abel Poitrineau, qui se livre à cette activité depuis le XVIe siècle92. Ainsi, pays naisseur, l’Auvergne serait aussi un pays engraisseur. Une production locale pyrénéenne n’est pas non plus totalement à exclure, avant le grand développement qui semble se faire au XVIIIe siècle ; par exemple, en 1642, le marchand tarasconnais Pierre Bergasse a une jument avec une petite de mule de 2 ans de sa suite, dans une de ses métairies93.

Peut-on parler d’une spécificité du commerce des mules vers la péninsule Ibérique dans les Pyrénées centrales et orientales, de la vallée d’Aure94 aux montagnes fuxéennes, languedociennes, voire catalanes ? En effet, le trafic apparaît comme beaucoup plus limité en Bigorre, Béarn, Navarre, aux XVIe et XVIIe siècles, même si des travaux sur ces régions devraient être menés. En Navarre, les registres de douanes du début du XVIIe siècle analysés par Francis Brumont n’enregistrent pas de mulets95. Pour l’Aragon, aussi bien Annie Brives pour le passage de Torla en 164296 que José Ignacio Gómez Zorraquino pour les importations aragonaises du XVIe siècle et du début du XVIIe siècle97 ne mentionnent pas non plus les mulets. En revanche, s’il y en a 26 à Sallent dans les six premiers mois de 163698, Francis Brumont en signale aussi, achetés à crédit, aux foires de Barbastro99. Cette petite ville aragonaise, située au nord-est du royaume, à proximité de la Catalogne, est au débouché des routes du Val d’Aran, de Benasque et Bielsa, du Comminges et de la vallée d’Aure, par où, précisément, passent de nombreux mulets. De son côté, Christian Desplat écrit que c’est à la fin du XVIIIe siècle que les mulets, parfois poitevins, deviendraient un poste important d’exportation par le Béarn100 et Annie Brives constate aussi qu’avec le développement de l’élevage des mulets au XVIIIe siècle, la vallée de Barèges en fit passer en quantité vers l’Aragon101. Toutes ces recherches concordent pour faire du XVIIIe siècle, le siècle du mulet dans les Pyrénées occidentales, comme d’ailleurs dans le reste de la chaîne, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas eu de commerce organisé avant. Ainsi, le 1er juin 1567, à Oloron, un certain Joan de Manota reçut-il 1 000 livres des mains du marchand oloronais Galhard de Gassion pour faire commerce de mules et mulets avec l’Espagne102.

 

 

Les Pyrénées et le développement du commerce des mules


La « victoire » de la mule au cours du XVIe siècle dans la péninsule Ibérique dut avoir des conséquences sur l’élevage, les marchés, les réseaux, tels qu’on les observe au XVIIe, en particulier dans les Pyrénées centrales. Mais l’expansion n’était pas pour autant terminée et il semble bien que le XVIIIe siècle ait été l’époque du développement d’une forte production locale. Pour Guillermo Pérez Sarrión103 la forte demande en mules de travail dans les zones agricoles de la dépression de l’Ebre aurait accentué, au cours du XVIIIe siècle, l’important flux de bétail des Pyrénées vers Huesca, Barbastro, Fraga, Saragosse et la Catalogne, y remplaçant les bœufs. En tout état de cause, l’Aragon du Nord avec le triangle des foires de Barbastro (fin août-début septembre), Huesca (fin novembre-début décembre) et Sariñena (dimanche des Rameaux), et ses maquignons catalans (comme les Cortadellas) ou gascons (provenant, pour ceux actifs dans la région de Barbastro, en grande partie de la vallée d’Aure), était un lieu important du commerce des mules104. L’essor de l’activité mulassière andorrane daterait, selon Olivier Codina, de la deuxième moitié du XVIIe siècle, période à partir de laquelle les gros éleveurs des vallées investiraient dans cet élevage, associé à la production de poulains. Une conséquence, outre l’augmentation du nombre de gardiens de mules, serait le développement du marché de l’herbe105. Cela signifierait-il une modification dans la structure du commerce des mules au cours du XVIIe siècle en Andorre ? En effet, on a vu plus haut des Andorrans aller acquérir des mules en pays de Foix et même à Rodez : les éleveurs de la vallée se seraient-ils tournés vers la production mulassière, écoulant leurs propres produits sur le marché catalan et ayant donc moins recours aux achats extérieurs ? L’Andorre serait-elle ainsi devenue un pays naisseur, et non plus de réélevage, du fait d’une augmentation de la demande catalane ou plus simplement d’une adaptation à cette demande ? En tout cas, au XVIIIe siècle, l’élevage des chevaux et des mules destinés à être vendus dans les foires serait le deuxième en importance après celui des ovins106 de sorte, qu’à la fin du siècle 2 000 mules élevées en Andorre passeraient ainsi en Catalogne, sans payer de droit d’entrée, seulement munis d’un certificat attestant que ces bêtes ont bien été élevées en Andorre107.

Le pays de Foix et le Couserans connaîtraient, au XVIIIe siècle, le déclin de l’élevage des chevaux à cause de « la concurrence victorieuse que lui fait alors l’élevage du mulet108 ». Un mémoire de 1784 affirme même que le Couserans ne connaissait presque pas la production mulassière au début du XVIIIe siècle. Si l’on suit cet auteur, force est de constater que le Couserans a développé bien tardivement cette activité par rapport au Val d’Aran ou à d’autres vallées voisines. La destination principale de ces mulets était le bât et le marché espagnol, toujours très demandeur : les Espagnols parcouraient les foires aux mulets de la région, surtout situées dans les Prépyrénées : Rivel, Laroque d’Olmes, Carla-le-Comte (aujourd’hui Carla-Bayle), Saint-Girons ou Saint-Béat. Ce développement se fit contre la volonté de l’administration et à la faveur de la proximité du marché ibérique, car un muleton de 6 mois valait, en 1780 dans le Couserans, 150 à 200 livres, alors qu’un poulain n’atteignait toute sa valeur qu’à l’âge de 4 ans (400 à 500 livres). En 1810, le préfet dit qu’un muleton de 6 mois se vendait 150 à 200 francs et un poulain de 18 mois, 100 francs seulement.

Les paysans ne sont, sans doute, pas les seuls à produire des mulets dans le Couserans, car en 1776 on comptait, dans les entrepôts officiels, 270 juments saillies par des étalons et 780 par des baudets, chiffres passés respectivement en 1786, à 58 et 702. Les progrès de la mule ne font pas de doutes ; au XIXe siècle, cette spécialité sera le fait des Prépyrénées et non plus de la montagne. Ainsi, selon une statistique de 1880, il y avait en Couserans 316 juments poulinières et 311 mulassières, réparties de la façon suivante :

  • les trois cantons du haut Couserans (montagne) : 110 poulinières, 15 mulassières ;

  • les trois cantons du bas Couserans : 206 poulinières, 290 mulassières ;

c’est-à-dire que plus de 95 % des juments mulassières étaient dans la partie la plus basse du pays, contre seulement 65 % des juments poulinières.

Dans le pays de Foix, la victoire de la mule est peut-être plus précoce puisque, déjà en 1739, un mémoire affirme que les mulets réussissent très bien dans la vallée de l’Ariège et le bassin de Prades (pays d’Alion, autour de Prades et Montaillou), mais au XIXe siècle, la haute Ariège ne produisait presque plus de mules, à la différence de l’Andorre.

L’importance stratégique du commerce mulassier ressort nettement de l’étude du cas aranais, comme nous l’avons vu. D’une façon générale, les guerres et tensions politiques ont eu des effets négatifs sur ce commerce, comme sur les autres. En juin 1791, deux négociants espagnols avaient le projet de parcourir la Haute-Auvergne pour acheter des mulets, mais ils y rencontraient des obstacles de sorte que le directoire du Cantal conscient de l’importance de ce commerce, déclara vouloir assurer la protection « notamment aux négociants espagnols avec lesquels le département est en relation de commerce notamment pour la vente des mulets dont le prix leur est ordinairement payé en or109 ». De même, dans l’Aragon pyrénéen, le commerce des mules semble avoir subi les contrecoups des guerres de la Révolution. Aussi bien à Barbastro que dans les vallées de Gistaín, de Vio, de Broto ou de Tena, le rédacteur du Viaje por el Alto Aragón de 1794, utilise le passé lorsqu’il évoque cette activité et précise même, à plusieurs reprises, de façon on ne peut plus explicite, qu’elle était pratiquée « en temps de paix110 ».

Si l’on en croit les autorités aranaises – il est vrai constituées par une oligarchie intéressée au commerce mulassier – l’élevage des mules n’était en rien une charge, les animaux se contentant de consommer l’abondante herbe des montagnes, sans autre dépense de nourriture111. Toutefois, la réalité n’est-elle pas quelque peu différente dans la mesure où la présence de plusieurs centaines – peut-être milliers – de têtes sur un territoire de faibles dimensions devait entraîner des problèmes surtout pour celles qui y hivernaient. Or, l’activité de vente, élevage et revente de mulets concernait d’abord d’importantes familles, bien assises économiquement (et politiquement). En Andorre, les gros éleveurs se lancent dans l’élevage mulassier vers la fin du XVIIe siècle, alors que selon les mots d’Olivier Codina, l’activité ovine s’était « démocratisée112 » : l’orientation mulassière devient alors un signe de différenciation sociale et économique dans ce monde pyrénéen. Même constat en Aran qui jouissait du privilège de faire entrer 800 têtes de bétail par an sans payer de droit de foraine. La documentation suggère que les gros acquéreurs achetaient des mules en quantité aux foires d’automne du royaume de France, de sorte que les plus pauvres des Aranais (ceux qui n’achetaient qu’une mule ?) devaient payer des droits de passage élevés car ils les passaient après les bêtes exemptées. Après la guerre des Segadors (1652), il y eut peut-être une augmentation de ce trafic, dénoncé comme ne profitant qu’à quelques-uns113. Le cas andorran, révélant la conversion à la mule au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles, suggère les tensions que l’activité généra. En effet, l’élevage entraîna une demande croissante de foin, pour l’hiver, et d’herbe sur pied, pour la soudure printanière, c’est-à-dire d’herbages hivernaux, en plus de ceux des communaux d’altitude accessibles seulement à l’époque de l’ouverture des estives. Cette quête d’herbes en développa le marché privé ce qui se traduisit par la croissance des locations et des achats d’herbages afin de constituer un patrimoine susceptible de subvenir aux besoins d’un cheptel en croissance. La tendance était, bien sûr, à la « privatisation » des terres, en particulier en les soustrayant à la vaine pâture114. Nous retrouvons ici un phénomène observé par Laurence Fontaine dans les Alpes, en Savoie ou en Oisans. La notable intensification de l’élevage des chevaux et mulets qui s’y produit à partir du XVIe siècle met en lumière l’opposition de deux groupes qui vivent tous les deux de l’exploitation de la montagne, mais avec des logiques différentes. D’une part, la petite minorité qui cherche à développer le commerce lucratif des équins et les autres, dont les besoins en pâturages sont criants, qui voudraient s’y opposer115. Dans les Alpes comme dans les Pyrénées, la possession de prés ou les conditions de leur accès, c’est-à-dire l’emprise sur les ressources en herbes, sont des enjeux fondamentaux dans les communautés.

L’essor de la production locale au XVIIIe siècle entraîne une volonté de contrôle administratif en raison des menaces qui pèsent sur la quantité et la qualité des chevaux produits dans les montagnes. L’ordonnance du 25 juin 1787 de l’Intendant de Pau-Bayonne, qui réaffirme des dispositions de 1717, l’illustre116. Ce texte dénonce le « grand nombre de particuliers [qui] ont des baudets avec lesquels ils font saillir des juments » et « les propriétaires des juments [qui] les donnent aux baudets […] sans distinction des plus belles et des plus propres à une bonne reproduction ». En effet, l’enquête alors diligentée par l’intendant met en évidence qu’il « n’y a presque point de chevaux à vendre, cette production est fort diminuée, beaucoup de juments ayant été détruites par l’usage de les faire saillir par des baudets117 ». En conséquence, l’ordonnance en question prévoit le dénombrement des juments afin de les classer en deux catégories : celles uniquement destinées aux étalons, dont la conformation laissera « espérer des bonnes productions de leur espèce » et celles qui, marquées de la lettre B, en raison de leur petite taille ou de leurs tares, ne seront destinées qu’aux baudets. On voit par là que la sélection opérée par l’administration va à l’encontre de l’intérêt des populations locales tournées vers le marché espagnol, très demandeur en mules et mulets plus rémunérateurs que les chevaux, environ partout deux fois moins chers : le développement de la production mulassière – cette « concurrence victorieuse que […] fait alors l’élevage du mulet118 » sur celui du cheval – s’est donc fait contre la volonté de l’administration française et à la faveur de la proximité du marché ibérique.

 

Les Pyrénées centrales sont, à l’époque moderne, un axe commercial d’importance entre le royaume de France et la péninsule Ibérique, peut-être même une des voies du grand commerce, en tout cas un intermédiaire du commerce de grande distance qui concernait les mules et intéressait des portions non négligeables de la population. Les Pyrénées ont certainement connu, tout au long de l’époque moderne, une croissance des activités liées au commerce et à l’élevage des mules dont la généralisation, au XVIIIe siècle, est dénoncée par l’administration soucieuse de préserver sa production de chevaux. La demande ibérique, forte dès les premières décennies du XVIe siècle est le moteur de ce développement dont les élites montagnardes tirent un profit qu’elles entendent conserver (cf. leur rôle dans les guerres) ce qui ne va pas sans créer de tensions, en particulier pour l’accès aux herbes nécessaires à l’hivernage. Au-delà, il faut insister sur l’extension des réseaux que cette activité permet de mettre en lumière puisqu’une vue encore sommaire suggère un axe reliant le Poitou – et les Alpes ?119 – à la Castille, l’Aragon ou la Catalogne, via l’Auvergne et le Rouergue et toute une série d’autres intermédiaires (foires aux mules sur la route de leur commerce, puis de chaque côté des Pyrénées). D’autre part, cette activité met en scène une pluralité d’acteurs, plus ou moins spécialisés, qui vont des juifs du Languedoc, de Provence ou du Comtat-Venaissin120 aux gitans121, en passant, entre autres, par des chaudronniers auvergnats, des paysans, des marchands organisés ou non en compagnies. En somme, une activité qui a profondément et durablement imprégné l’économie de ces montagnes : les pistes qui s’ouvrent sous le pas de ces animaux sont donc multiples.


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Carte 10 – Élevage et commerce des mules entre France et Espagne à l’époque moderne dans les Pyrénées centrales.

 

 

 

  

Notes de bas de page

1  Ce chapitre synthétise deux articles, « Le commerce des mules entre la France et l’Espagne à l’époque moderne : l’exemple du Val d’Aran et des Pyrénées centrales », dans Annales du Midi, no 227, juillet-septembre 1999, p. 311-324 et « La montagne dans un réseau commercial. Les Pyrénées et le commerce des mules à l’époque moderne », Histoire des Alpes-Storia delle Alpi-Geschichte der Alpen, 12, 2007, p. 233-245, et développe d’autres aspects.

2  J.-Ph. Priotti, « En Espagne, de nouveaux protagonistes de l’économie (XVIe-XVIIe siècles). Les muletiers yangois du Quichotte », Identités méridionales. Entre conscience de soi et vision de l’autre, Actes du 126e congrès des Sociétés historiques et scientifiques (Toulouse, 2001), Paris, CTHS, 2003, p. 109-152.

3  R. Gascon, Grand commerce et vie urbaine au XVIe siècle. Lyon et ses marchands, Paris/La Haye, SEVPEN/Mouton, 1971, p. 175.

4  J.-M. Moriceau, L’élevage sous l’Ancien Régime (XVIe-XVIIIe siècles), Paris, SEDES, 1999, p. 56-57 et Histoire et géographie de l’élevage français. Du Moyen Âge à la Révolution, Paris, Fayard, 2005, p. 119-120 n’y consacre, respectivement, que 0,5 et 1,5 page.

5  G. Duby et A. Wallon (dir.), Histoire de la France rurale, tome 2, De 1340 à 1789, Paris, Le Seuil, 1975 [rééd. 1992], 661 p.

6  F. Braudel, La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, Paris, A. Colin, 1966, tome I, p. 261, p. 348-349 et p. 533, et Civilisation matérielle, économie et capitalisme XVe-XVIIIe siècle, Paris, A. Colin, 1988, tome 1, p. 301, tome 2, p. 64.

7  B. Bennassar, Valladolid et ses campagnes au XVIe siècle, Paris, Mouton, 1967, p. 42, p. 237-239.

8  F. Brumont, Paysans de Vieille Castille aux XVIe et XVIIe siècles, Madrid, Casa de Valázquez, 1993, p. 50-54.

9  A. de Herrera, Libro de agricultura, Logroño, 1513.

10  C’est l’opinion de C. Viñas y Mey, El problema de la tierra en la España de los siglos XVI y XVII, Madrid, 1941, cité par B. Bennassar.

11  J. Valverde de Arrieta a publié à Madrid en 1578 Despertador que trata de la gran fertilidad, riqueza, baratos, armas y caballos que España solia tener…

12  F. Brumont, op. cit., p. 121.

13  J. Montemayor, Tolède entre fortune et déclin (1530-1640), Limoges, PULIM, 1996, p. 179-180.

14  H. Blaquière, « Les échanges commerciaux arano-commingeois pendant la première moitié du XVIIe siècle », Annales du Midi, 1963, p. 283-294.

15  N. Sales, « Mules, ramblers i fires (s. XVIII i XIX) », L’Avenç, juillet-août 1983, p. 23-33 et « Ramblers, traginers i mules (s. XVIII-XIX) », Recerques no 13, 1983, p. 65-81. Articles repris dans N. Sales, Mules, ramblers i fires (s. XVIII-XIX), Reus, Edicions del Centre de Lectura, 1991, 133 p.

16  P. Poujade, Une vallée frontière dans le Grand Siècle. Le Val d’Aran entre deux monarchies, Aspet, Pyrégraph, 1998, 437 p.

17  Voir P. Poujade « Le commerce des mules entre la France et l’Espagne à l’époque moderne, l’exemple du Val d’Aran et des Pyrénées centrales », Annales du Midi, juillet-septembre 1999, p. 311-324.

18  E. Jarque Martínez et J. A. Salas Auséns, « Mulas, campesinos y tratantes en el Antiguo Régimen (la compraventa de ganado mular en el alto Aragón a fin del siglo XVIII) », in S. Castillo et R. Fernández, Campesinos, artesanos, trabajadores, Lérida, Milenio, 2001, p. 39-52.

19  O. Codina, De fer et de laine. Économie et société des vallées d’Andorre de 1575 à 1875, thèse pour le doctorat d’histoire, Université de Perpignan, 2003, p. 434-451.

20  A. Pinto, « Le commerce des chevaux et des mules entre la France et les pays catalans (XIVe-XVe siècle) », Histoire et sociétés rurales, no 23, 1er semestre 2005, p. 89-116.

21  P. Poujade, Une société marchande. Le commerce et ses acteurs dans les Pyrénées modernes (haut pays de Foix, vers 1550-1700), Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2008.

22  M. A. Sanllehy, Era Val d’Aran, tesina, Barcelone, 1981, p. 88.

23  Cité par P. Vilar, La Catalogne dans l’Espagne moderne, Paris, SEVPEN, 1962, tome II, p. 22-23.

24  M. A. Sanllehy, Era Val d’Aran, op. cit., p. 127-129.

25  S’il y avait bien une foire à la fin du mois de mai à Saint-Béat au début du XXe siècle, comme le note l’Armanac dera Mountanho de 1914 (Saint-Gaudens, Abadie), les sources et témoignages du XVIIe siècle ne parlent que de celle de la Saint-Martin auxquelles les Aranais assistaient et M. de la Houssaye dans son mémoire sur la généralité de Montauban à la fin du XVIIe siècle, écrit qu’on ne compte à Saint-Béat qu’une foire, celle de la Saint-Martin.

26  Cité à partir de la traduction en occitan, J. Soler i Santaló, Era Val d’Aran, Lérida, IEI, 1988, p. 69-70.

27  Arch. dép. du Tarn-et-Garonne, 3 J Ms 5. La partie sur le Comminges a été publiée en 1886 dans la Revue de Comminges, p. 80-120.

28  Rodez se trouve sur la route commerciale Lyon-Le Puy-Montauban et au-delà Saint-Béat et l’Espagne. R. Toujas, Quelques routes commerciales entre Lyon et l’Espagne au milieu du XVIIe siècle, Paris, Bibliothèque Nouvelle, 1975, tome II, p. 25-28. F. Braudel dans Civilisation matérielle, économie et capitalisme XVe-XVIIIe s. – Les jeux de l’échange mentionne, p. 64, que dans les foires du Puy on vend beaucoup de mules et mulets (la référence est plutôt pour la fin du XVIIIe siècle).

29  D’après A. Poitrineau, La vie rurale en Basse-Auvergne au XVIIIe siècle (1726-1789), Paris, PUF, 1965, p. 291. Nous ne sommes pas très loin de Rodez ; Saint-Flour est à environ 120 kilomètres par les routes actuelles.

30  H. Blaquière, art. cit., 1963, p. 283-294.

31  Y. Képéklian et L. Benamiche, Cinq notaires de Saint-Béat, témoins de la vie économique et sociale de la haute vallée de la Garonne au temps de Louis XIV (1667-1668), Toulouse, mémoire de maîtrise, 2 tomes, 1984, 255 p.

32  L. de Froidour, Lettres, publiées par P. de Casteran, Auch, 1899.

33  Y. Képéklian et L. Benamiche, op. cit, p. 100.

34  H. Blaquière, art. cit. Par exemple, le 10 mai 1608, 7 mules pour 315 livres ; le 19 mars 1625, 17 mules et 6 mulets : 1 842 livres 10 sous ; 4 septembre 1625 : 13 mules et 1 mulet : 892 livres 10 sous. Remarquons que ces achats de mules se font aussi bien au printemps qu’à la fin de l’été.

35  L. de Froidour, Lettres, op. cit., p. 58 et p. 91.

36  Une pistole valait 10 livres. Si on tient compte d’un tel rapport de 1 à 2 entre le prix des mulets et des mules, pour les 10 mulets et les 2 mules vendus 342 livres d’après le travail de Y. Képéklian et L. Benamiche, en 1667-68 (époque de Froidour), le prix d’une mule serait d’environ 49 livres et celui d’un mulet de presque 24 livres 10 sols, ce qui n’est pas très éloigné des prix donnés par Froidour.

37  M. Cours-Mach, « Les relations frontalières entre la ville de Seix en Couserans et le Val d’Aran en Espagne du XVIe au XIXe siècle », Couserans et Montagne ariégeoise, Saint-Girons, 1976, p. 63-81.

38  AGA, C/11, Saint-Béat, 07/06/1681. C’est la couleur des mulets qui est indiquée pour les reconnaître.

39  AGA, C/12, le syndic d’Aran au roi de France, sans doute vers 1643.

40  Ch. Estienne, L’agriculture et maison rustique, Paris, 1570, écrit folio 49 : « Ne permettra que les iuments soyent saillies des estalons qu’environ la mi-Mars, à la fin qu’en même saison que les iuments auront esté couvertes et pleines, elles puissent facilement nourrir les poulains, ayans les herbes tendres et belles après les mestives : car au bout des douze mois elles poulinent. » Si les éleveurs suivaient ces recommandations, des mulets de 5 à 6 mois, nés vers février ou mars, auraient été achetés vers juillet-septembre. Souvent les naissances ont lieu entre février et juin ce qui donnerait un passage dans le Val d’Aran entre les mois de juillet et de décembre : dans ce cas, peut-être les 539 muletons auraient été achetés à la foire de Saint-Béat, en novembre. Toutefois, rien n’indique que ces muletons soient passés en une seule fois.

41  AGA, C/12, parlement de Toulouse, 01/07/1624.

42  AGA, Libre d’actes deth Conselh generau (1632-1662).

43  AGA, Libre d’actes deth Conselh generau, 03/01/1635.

44  Le tarif douanier de 1556 est la référence constante des Aranais puisqu’il s’agit pour eux d’un privilège, accordé par le roi de France, qui leur donne des tarifs préférentiels et leur permet de faire entrer de France dans la vallée, tous les ans, 800 bêtes à « pied rond et fourchu » (sans autre précision), en payant seulement 25 sous par tête.

45  La vallée d’Aran était divisée en six districts, appelés terçons : Pujòlo, Arties-Garòs (formant ensemble le haut Aran) ; Vielha, Marcatosa (moyen Aran) ; Lairissa, Bossòst (bas Aran).

46  Au début du XXe siècle, il y avait une foire de plusieurs jours autour du 28 octobre à Bagnères-de-Luchon, d’après l’Armanac dera Mountanho de 1914. Dans un document de l’AGA (AGA, no 7, 17/11/1658), il est fait explicitement allusion à la foire de Saint-Simon de Luchon (la Saint-Simon est le 28 octobre).

47  AGA, Saint-Béat, 21/11/1715.

48  AGA, no 41, conseil général du 26/05/1632.

49  Foire qui se tient à la Pentecôte (privilège royal de 1609, El Pont de Suert i Vilaller a finals del segle XVIII, Barcelone, Llibre de l’índex, 1994, p. 88).

50  La foire de Vilaller se tient à Pâques.

51  D’après les comptes généraux de 1641 : « Abem contat que se troben en los terçons de la Vall de Aran los fochs seguents » ; suit le nombre de feux par terçon, pour un total de 482 feux. Il est possible que seuls les feux accédant aux conseils aient été comptés.

52  AGA, Casa Joan Chiquet, no 2307.

53  La vegada est le troupeau communautaire. Pour ce mot, voir J. Coromines, El parlar de la Vall d’Aran, Barcelone, Curial, 1990, p. 330.

54  AGA, C/2, 15/10/1692 et 03/11/1704.

55  AGA, C/2, 30/09/1683. Sans doute Santa Coloma de Queralt, réputée pour sa foire aux mules ; peut-être foire d’automne mais nous ne pouvons préciser la date.

56  Les témoignages de la fin du XVIIIe siècle et de tout le XIXe siècle cités par M. A. Sanllehy, tendraient à laisser penser à un élevage d’été dans la vallée (achat au printemps, vente à l’automne), mais la documentation du XVIIe siècle ne peut nous y faire totalement souscrire. Nous pensons que des achats (peut-être nombreux) étaient effectués à la foire de Saint-Béat en novembre et que les reventes étaient faites en Catalogne au printemps, après élevage dans la vallée pendant quelques mois ou un ou deux ans. Mais, les achats au printemps, ou à d’autres saisons ont lieu. Citons ce document, que nous datons de 1668 d’après le nom du Syndic général, qui dénonce les droits nouveaux que veulent imposer les commis de la foraine pour les chevaux et mulets venant de France en dehors de la foire de Saint Martin : cela signifie que des achats ont bien lieu en automne.

57  Fullets Bonsoms, « Discurso de hecho y derecho… », Barcelone, 12/08/1678, p. 89. Finalement, le passage des mules doit se concentrer autour des foires de Luchon (28/10) et de Saint-Béat (11/11), de sorte que cinq cents mules, et autres bestiaux assujettis aux droits domaniaux, étaient déjà entrés du 01/10/1607 au 02/05/1608 (AGA, C/13, Montpellier, 29/08/1608).

58  Sur Prades, AGA, C/2, Madrid, 31/07/1675, « Licencia a la Valle de Arán para que puedan llevar a vender a la feria de Prades mil cabeças de mulas y machos » : il s’agit de mules achetées en France en 1674. Aussi, AGA, 10/09/1677.

59  AGA, C/2, Madrid, Andreu Medan, février 1676.

60  AGA, C/2, 27/11/1692. Ce cas nous est connu car les douze bêtes prises par Amiel, furent enlevées par des habitants de la vallée d’Aran, de telle sorte que le preneur ne peut pas restituer le bétail dont il avait la charge et il ne semble pas être davantage disposé à rembourser le prix des bêtes perdues, fixé à 6 doubles d’or par tête, en cas de perte, quoiqu’il ait signé un acte d’obligation de 70 louis en faveur du propriétaire des mules, le 17 février 1693. Justice ne sera rendue qu’en 1702.

61  Arxiu de la Corona d’Aragó (ACA), CA/98, Saragosse, 25/03/1636.

62  D’après archives du ministère des Affaires étrangères, Correspondance Espagne, volume 29, Nestier à Mazarin, 18/11/1649, cité par B. Druène, « Les lies et passeries spécialement pendant la guerre de Succession d’Espagne », Lies et passeries dans les Pyrénées, Tarbes, Bibliothèque centrale de prêt, 1986, p. 85 et par C. Bourret, Les Pyrénées centrales du IXe au XIXe siècle. La formation progressive d’une frontière, Aspet, Pyrégraph, 1995, p. 110-111.

63  A. Brives-Hollander, « Les relations commerciales entre une vallée française et une vallée espagnole des Pyrénées au XVIIe siècle : le cahier de péage de Torla (1642) », Annales du Midi, 1984, p. 253-272.

64  Valeur obtenue sur la base moyenne de 1 000-1 200 mules à 30 livres catalanes (d’après les prix trouvés dans la documentation).

65  Un peu plus de 23 000 livres aragonaises.

66  35 000 livres aragonaises.

67  L’occitan a bien le terme grimolh désignant le produit – moins apprécié – du cheval et de l’ânesse. Dans le Diccionari català-valencià-balear, tome VII, Barcelone, 1969, art. « mul » p. 641, les auteurs, après avoir dit que la mule pouvait avoir les deux origines dont nous avons parlé, précisent néanmoins : « Entre els ramblers i tractants de bestiar, sols és mul el fill de cavall i somera, mentre que el fill d’ase i egua s’anomena rom », information reprise dans le Diccionari de l’ofici de traginer, Barcelone, Termcat, 2002, art. « rom », p. 121 (« mul fill d’ase i egua »). Or, l’article rom est absent des dictionnaires catalans et même du Diccionari català-valencià-balear. En revanche, en espagnol, il existe l’expression macho romo (= burdégano) dont la définition est, selon le Diccionario de la lengua española de la Real Academia española, Madrid, 1992, « animal resultante del cruzamiento entre caballo y asna », ce qui serait le contraire de la définition donnée pour le catalan. N’y aurait-il pas, alors, une erreur dans ce qu’avance le Diccionari català-valencià-balear ?

68  Voir différentes définitions de dictionnaires des XVIIIe-XXe siècles données par E. Rousseaux, Mules et mulets des animaux d’exception, La Crèche, Geste Éditions, 2003, p. 14-15.

69  O. de Serres, Le théâtre d’agriculture et mesnage des champs (1600), réédition, Arles, Actes Sud, 1997, p. 461.

70  Id. p. 461.

71  Le faubel, ou fauve, est un roux-jaune.

72  Les autres couleurs des mulets mis en gasaille se distribuent ainsi : faubel : 20,7 % ; bai et bai obscur : 17,24 % ; gris : 13,79 % ; rouge : 12-13 %.

73  O. de Serres, op. cit., p. 462.

74  Belpech est situé aux confins du Lauragais et du pays de Foix, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Tarascon.

75  Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 454, fo 7, Me Manzos, Tarascon, 11/04/1601.

76  Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 540, Me S. Rolland, Tarascon, 20/03/1635.

77  Le testament est daté du 12 mars 1651 ; à la fin de l’année 1650 et dans les premiers mois de 1651, Naudy vend et donne des mulets en gasaille, à plusieurs reprises.

78  J. Bousquet, Enquête sur les commodités du Rouergue en 1552. Procès avec l’Agenais, le Quercy et le Périgord, Toulouse, Privat, 1969, p. 154-155.

79  « Mémoire sur la généralité de Montauban (1699) », en partie publié dans La Revue de Comminges, 1886, sous le titre : « Les élections de Comminges et de Rivière-Verdun. Le pays de Nébouzan et les Quatre-Vallées à l’époque de leur dépendance de la généralité de Montauban (1642-1716). »

80  Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 450, Me A. Manzos, Tarascon, 09/04/1595. Écu sol de 3 livres pièce soit 3 120 livres.

81  Registres des notaires de Belcaire, Arch. dép. de l’Aude.

82  L. de Froidour, Lettres (1667-1668), publiées par Paul de Casteran, Auch, 1899, p. 58 et p. 91.

83  Fullets Bonsoms, « Discurso de hecho y derecho… », Barcelone, 12/08/1678, p. 89.

84  J. Casimiro et J. Juan, El Pont de Suert i Vilaller a finals del segle XVIII, Barcelone, Llibres a l’índex, 1994, 121 p. ; ce livre est la publication de l’enquête de Francisco de Zamora, réalisée en 1790, précédée d’une introduction et suivie d’annexes documentaires.

85  A. Ballarín Cornel, El Valle de Benasque, Saragosse, 1974, p. 97 et 142-151, et Diccionario del benasqués, Saragosse, 1978, article « pakét ».

86  Les maisons (= familles) se divisaient, à Benasque, en trois catégories économiques : buenes (les « bonnes », au sommet), michanes (les moyennes), pobres (les pauvres).

87  Viaje por el Alto Aragón, noviembre del año 1794, texte édité par León J. Buil Giral, Huesca, La Val de Onsera, 1997, p. 110 et 197.

88  Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 2311, Me Ferriol, Ax, fo 313 vo (05/05/1641), fo 315 (07/05/1641), fo 316 (07/05/1641) et 5 E 2390, Me Tardieu, Ax, fo 846 (04/05/1641). Le même voiturier avait acheté deux autres mulets en janvier 1641 mais le règlement était prévu en monnaie.

89  Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 10251, Me Serda, Ax, fo 2614, 02/06/1650.

90  A. Poitrineau, Les Espagnols de l’Auvergne et du Limousin du XVIIe au XVIIIe siècles, Aurillac, Malroux-Mazel, 1985, p. 113.

91  Voir le chapitre suivant, « Un réseau de chaudronniers auvergnats vers les Pyrénées et la Catalogne ».

92  Voir aussi L. Baritou, Cheylade, Aurillac, 1979, p. 113, qui évoque l’achat de jeunes mulets dans le Poitou, leur réélevage en Auvergne et leur revente, à 3 ou 4 ans, vers l’Espagne, trafic à l’origine de « fortunes considérables ».

93  Arch. dép. de l’Ariège, 5 E 493, fo 187 vo, Me G. Rolland, 27/09/1642.

94  A. Sarramon, Les Quatre-Vallées. Aure, Barousse, Neste, Magnoac (Essai historique), Toulouse, Milan, 3e édition, 1985 (1re édition 1966), p. 438-441 où l’auteur cite la foire de la Saint-Barnabé (11 juin) d’Arreau, fréquentée par Gascons, Béarnais, Aragonais, Catalans venant surtout acheter des mules.

95  F. Brumont, « Des relations sans frontières : le commerce franco-navarrais au début du XVIIe siècle », Frontières, Paris, Éditions du CTHS, 2002, p. 219-242.

96  A. Brives-Hollander, « Les relations commerciales… », art. cit.

97  J. I. Gómez Zorraquino, La burguesía mercantil en el Aragón de los siglos XVI y XVII (1516-1652), Saragosse, Diputación General de Aragón, 1987, p. 91.

98  A. Brives, « Le cahier de péage de Sallent de Gállego en 1636 », Lavedan et Pays toy, no 33, 2002, p. 70.

99  F. Brumont, « Gascons et Béarnais dans l’Espagne du Nord au XVIe siècle », Bulletin de la société archéologique du Gers, 1995, p. 499.

100  C. Desplat, Pau et le Béarn au XVIIIe siècle, Biarritz, J. et D. Éditions, 1992, p. 41.

101  A. Brives, Pyrénées sans frontière, Argelès-Gazost, Société d’études des Sept Vallées, 1984, réédition Pau, Cairn, 2000, p. 98-99.

102  Arch. dép. des Pyrénées-Atlantiques, E 1782, fo 105.

103  G. Pérez Sarrión, Aragón en el Setecientos, Lérida, Editorial Milenio, 1999, p. 159.

104  E. Jarque Martínez et J. A. Salas Auséns, art. cit.

105  O. Codina, De fer et de laine. Économie et société des vallées d’Andorre de 1575 à 1875, thèse pour le doctorat d’histoire, Université de Perpignan, 2003, p. 428, 431 et 434.

106  D. Mas i Canalís, « El segle XVIII a Andorra », Annals de l’Institut d’Estudis Andorrans, Centre de Barcelona, 1991, p. 296.

107  Arch. dép. de l’Ariège, 1 J 47, « Mémoire sur la vallée de l’Andorre par le citoïen Moreau, inspecteur des douanes du département de l’Ariège », an I de la République.

108  M. Chevalier, La vie humaine dans les Pyrénées ariégeoises, Toulouse, Milan/Résonances, 1984 [1956], p. 304-307.

109  Arch. dép. du Cantal, L 28, Procès verbaux des séances du directoire du département, fo 102, 18/06/1791 ; les autorités départementales font référence à l’habitude de telles pratiques qui lient le Cantal (Haute-Auvergne) et l’Espagne.

110  Viaje por el Alto Aragón, noviembre del año 1794, op. cit., p. 63, 133, 179, 196, 197, 224.

111  AGA, février 1676, Andreu Medan, Madrid.

112  O. Codina, op. cit., p. 431.

113  AGA, Libre d’actes deth Conselh generau, 02/11/1659, 07/11/1660.

114  O. Codina, De fer et de laine. Les vallées d’Andorre du XVIe au XIXe siècle, Perpignan, Presses universitaires de Perpignan, 2005, p. 388-395 où l’auteur analyse l’évolution du marché de l’herbe.

115  L. Fontaine, Pouvoir, identités et migrations dans les hautes vallées des Alpes occidentales (XVIIe-XVIIIe siècle), Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2003, p. 198.

116  Arch. dép. des Pyrénées-Atlantiques, C 601.

117  Id., réponse de la subdélégation de Mauléon, 15/09/1787.

118  Expression de M. Chevalier, op. cit., p. 304.

119  Cf. A. Radeff, Du café dans le chaudron. Économie globale d’Ancien Régime. Suisse occidentale, Franche-Comté et Savoie, Lausanne, Société d’histoire de la Suisse romande, 1996, p. 126, qui évoque, pour plusieurs villages de Savoie au tout début du XIXe siècle, la revente de mulets qui y ont été élevés, vers le Piémont, le Gênois mais aussi l’Auvergne.

120  Voir, par exemple, Arch. dép. de l’Aude, 9 C 1, autorisation de l’intendant de Languedoc donnée aux Juifs de Carpentras de continuer le commerce des mules, mulets et chevaux (1738) ; R. Moulinas, Les juifs du pape en France. Les communautés d’Avignon et du Comtat Venaissin aux XVIIe et XVIIIe siècles, Toulouse, Privat, 1981, p. 252.

121  Fr. de Vaux de Foletier signale cette spécialité surtout pour les Pyrénées dans Les tsiganes dans l’ancienne France, Connaissance du monde, 1961, p. 190. Pour la Catalogne, voir R. Puig i Tàrrech, « La comunitat gitana del Camp de Tarragona a l’Antic Règim », Història dels altres. Exclusió social i marginació a les comarques tarragonines (segles XIII-XX), Tarragona, 2003, p. 101-126, qui indique à plusieurs reprises cette orientation.

 

 

 

 

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